Est-ce la fin de la misère en matière de création d'entreprises et d'emplois manufacturiers? Le phénomène tant espéré du rapatriement manufacturier (reshoring) va-t-il remplir les promesses qu'on en attend.
Deux événements cette semaine viennent nous éclairer un peu.
1) L'Étude du Boston Group aux États-Unis
D'abord La Presse publiait en fin de semaine dernière un reportage faisant largement écho à l'étude du Boston Group sur le phénomène du reshoring aux États-Unis (cahier Affaires, 4 octobre 2014, Le retour du Made in America). On y trouve à manger pour toutes les bouches dans ce sens qu'il est difficile d'y voir une tendance claire. Deux conclusions me frappent d'emblée: en 2013, pour la première fois, le nombre d'emplois manufacturiers créés aux États-Unis est égal à ceux qui ont été perdus à cause du offshoring. On serait tenté d'y voir la fin du phénomène d'offshoring, mais attention: une année ne fait pas une tendance!
Deuxièmement, conséquence inattendue de nombre d'années de fermetures d'usines, il s'avère plus difficile que prévu de reconstituer les chaînes de valeur complètes permettant à une nouvelle usine de s'approvisionner facilement aux États-Unis. Une usine qui s'implante ne le fait pas en silo. Si le réseau d'approvisionnement a disparu, le rapatriement de la production sera non significatif si on doit faire venir toutes les composantes de l'étranger!
Enfin, les bons travailleurs de production ont disparu! Les meilleurs n'ont pas attendu le rapatriement et sont partis sous d'autres cieux professionnels. Ce ne sont pas les maigres salaires offerts par les entreprises revenant aux États-Unis qui vont les faire revenir vers une activité de production.
2) L'allocution de Jean Matuszewski au congrès de l'APDEQ
Les recherches d'E&B Data éclairent le débat du rapatriement manufacturier d'un éclairage pour le moment aveuglant! Le reshoring n'est pas la panacée universelle en matière d'activité manufacturière.
Premièrement, les fermetures d'usines ne sont pas le seul facteur de diminution de l'emploi manufacturier au Québec comme dans le reste de l'Amérique du Nord; l'automatisation - M. Matuszewski parle même d'usines sans employés sur un horizon de 10 à 15 ans - et l'impartition ont aussi contribués à la diminution des emplois manufacturiers.
Au chapitre de l'impartition, quand je distingue les entreprises et emplois manufacturiers des entreprises et emplois industriels, je fais d'ailleurs écho à ce phénomène. J'y vois d'ailleurs une opportunité: plusieurs nouvelles entreprises de services industriels ont vu le jour justement en surfant sur l'impartition des grandes entreprises. Cependant, les emplois créés par ces entreprises industrielles ne sont pas comptabilisés comme manufacturiers même s'ils sont porteurs et multiplicateurs. Le portrait de la diminution des emplois manufacturiers serait donc moins noir qu'on le voit.
Deuxièmement, M. Matuszewski considère comme moi que l'emploi manufacturier est largement tributaire des chaînes de valeur et ne peut se créer en silo. Il constate que le Québec se tire mieux d'affaires en matière d'investissements manufacturiers que sa voisine l'Ontario, parce que ses entreprises ont su miser sur des produits nichés, des courses de production plus petites, une plus grande place au développement de produits, axé sur la réponse aux besoins immédiats des clients.
Clé du rapatriement manufacturier: une connaissance approfondie de la chaîne de valeur
Cette approche "groupée" proposant une chaîne de valeur complète devient donc une façon efficace de vendre nos parcs industriels. En sollicitant une nouvelle usine, il conviendra donc de lui soumettre la proximité et la qualité de la chaîne de valeur afférente à ses activités en partant des services spécialisés offerts autour de la future usine jusqu'à l'accès à au moins un client porteur important en passant par toute la panoplie des fournisseurs de biens de la région, de la province ou même du pays.
Cette façon de faire vient se greffer aux efforts déjà bien structurés concernant la
disponibilité et la qualité de la main-d'œuvre locale.
Malgré tous nos efforts, les niveaux d'emplois manufacturiers risquent de continuer à diminuer: c'est une tendance lourde. Cela dit, le rapatriement manufacturier viendra ralentir cette tendance baissière au cours des prochaines années et la création d'emplois industriels peut contribuer à augmenter l'activité manufacturière locale.
Connaître et promouvoir les forces régionales des chaînes de valeur des entreprises que vous voulez attirer devient donc incontournable pour renforcer votre structure économique.
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